"Les artistes et le textile"

Un livre passionnant, foisonnant, qui nécessite de consulter les images sur internet simultanément à la lecture, et qui ne cesse de nous surprendre par la créativité d’artistes contemporains venant de tous horizons.

En voici un résumé

« Les artistes et le textile »

de Anne-Marie Minella, journaliste et écrivaine

et Jean-Yves Bosseur, compositeur et musicologue

paru en 2024 aux Presses du réel

ISBN 978-2-37896-431-3

Ce livre dresse une vue d’ensemble sur la place de l’art textile dans la seconde moitié du 20ème siècle. Il pourrait se lire comme une sorte de catalogue, avec de nombreuses références d’artistes plus ou moins connus.(343 artistes cités) Il définit les courants ou les domaines dans lesquels se situent ces artistes, de manière très documentée et fouillée, et décrit le contexte social, politique..
« Il remet en cause la séparation entre beaux-arts et arts appliqués et design, tradition et modernité »


1) Les avant-garde historiques du 20ème siècle
La tapisserie s’émancipe de la peinture , les artistes ne cherchent plus à reproduire des images, mais créent leurs propres images : tissage pictural
Référence au Bauhaus, à Anni Albers qui dialogue avec la production industrielle.
Avant-garde russe, Sonia Delaunay, Grau Garriga…

2 ) Le renouveau de la tapisserie
A Lurçat, aux Biennales de la tapisserie de Lausanne ,sont présentées des œuvres comme celles de Pierre Daquin, « qui joue sur les rapports de matière et les variations des points de tissage »
Se crée le mouvement de la nouvelle Tapisserie, de nouveaux matériaux sont intégrés comme le caoutchouc etc… »


3) Les plasticiens, la toile et le textile
Certains peintres incluent des éléments textiles dans leurs œuvres, d’autres utilisent des vieilles chasubles comme toiles, se développe le courant « Soft Culture » qui incorpore différents matériaux, Christo emballe des objets ou monuments dans des toiles, certains s’inscrivent dans le mouvement Supports/surfaces, détournement des toiles par des déchirures, des transformations du tissu, brulage, peinture sur tissu…
Hantaï s’oriente vers le pliage,
Sidival Fila ravaude des vieux tissus
Carol Simmard-Laflamme met en scène des installations architecturales

4) Les artistes du Fiber art et au-delà
Le fiber art a légitimé la place des fibres dans le domaine artistique.
Exploration de différents matériaux et techniques ,œuvres en 3 dimensions,
Sheila Hicks qui se situe entre le design, l’architecture , et la sculpture,
Simone Pheulpin et ses épingles, Machiko Agano et Gaelle Chotard avec leurs installations aériennes et légères, la maison en polyester de Ho Suh…
Fils croisés, entrelacés, enroulés, plissés…
5) Les dialogues entre artistes et artisans
Les pratiques artisanales sont souvent dévalorisées , plusieurs artistes cherchent à effacer les frontières entre art et artisanat, à l’instar du Japon où l’artisanat est considéré comme un trésor national.
Ils repartent de techniques ancestrales : tissage, dentelle ,pli, patchwork, …
Pierre Varenne : dentelle au fuseau contemporaine


6 ) L’actualisation des traditions extra-européennes
Japon : indigo, broderie sahiko, teinture sur soie, aspect contemplatif et spirituel au Japon,
USA : double tissage, quilt
Sara Maria Terrazas et la collagraphie ( estampe consistant à superposer des couches de colle et objets gravés sur des supports en carton).


7 ) Pratiques hybrides et mix-médias
Mélange d’artisanat et de conceptualisation, matériaux divers, et utilisation de la photo, de la technologie numérique,
Marei Rei utilise le tissage et le béton, tissage et impression numérique…Claire Williams travaille le son, le textile et l’électronique.


8) Militantismes artistiques
Pratiques en lien avec des questions politiques économiques et sociales, l’art dénonce, alerte, met en lumière, pour aller parfois jusqu’à l’activisme, les artistes font émerger un monde plus solidaire.
Guerres et pouvoirs
Boltanski et ses amas de vêtements usagés, actions de deuil de Salcedo en Colombie, actions collectives avec des femmes bosniaques réfugiées en Serbie, qui brodent sur des échafaudages, avec Maja Bajevic
Frontières et migrants
Œuvres réalisées à cheval sur des frontières, en Corée ou au Mexique, le baluchon mis en scène, transporté pour un voyage symbolique
La mondialisation
Et notamment des travailleurs locaux dans le textile, en grande précarité
Fanny Violet évoque le travail des ouvrières dans les soieries, certains artistes travaillent directement avec la population locale, Mahama fait coudre aux ghanéens des sacs de toile de jute avec lesquels il recouvre des édifices publics, , et crée des espaces artistiques et sociaux

9) Identités et cultures
Travail de décolonisation, certains artistes par exemple refusent d’être considérés comme des artistes « africains »
Les afro-américains :
Travail de mémoire sur l’esclavage, la ségrégation raciale, comme Thornton Dial ,qui accumule des débris et les recouvre de peinture projetée, ou Sonya Clark qui lors d’une performance, détisse le drapeau du sud des USA
Les Africains :
Patrimoine textile important, Konaté superpose des bandelettes, en Bazin (coton amidonné), Joana Choumali imprime et brode des photos sur des toiles de coton,
Les peuples autochtones : amérindiens, aborigènes…
Paulo Do Prado (Uruguay)crochète des pièces très colorées


10) Identités et genre
Féminisme :
Les savoirs faire féminins sont détournés, transformés, valorisés.
Louise Bourgeois s’approprie les matières textiles et associe l’image de l’araignée, à celle de sa mère qui restaure des tapisseries.
Annette Messager associe textile et photos, objets divers
Le terme d’intersectionnalité apparait vers les années 1960


11) L’environnement
Les artistes alertent mais réduisent aussi leur impact sur l’environnement (matériaux récupérés, suppression des polluants…)
Ecoart, art écologique, art durable, art environnemental
Nnenna Okore (Austalie)mélange papier, jute… pour produire un matière nouvelle durcie à l’amidon.
Karmali (Kenya) utilise raphia et cobalt pour ériger ses sculptures

D'autres articles
du blog